par Axel Farkas, photo de François Dvorak(15).

Royal Rebellion

Ce samedi 12 octobre 2019, c’est suite à l’appel d’Exctinction Rebellion Belgium que des milliers de manifestant.e.s étaient présent.e.s près du Palais Royal pour une action de désobéissance civile(1).

Cette action avait été annoncée plusieurs jours avant et tout le monde connaissait ses objectifs. S’installer dans les jardins du Roi pour y tenir des assemblées et groupes de discussions pendant 24h. Les organisat.eur.rice.s insistaient énormément sur le caractère pacifique de l’action :

« Tous les habitants de Belgique sont invités à se munir d’une chaise pour venir occuper de manière pacifique le Palais Royal de Bruxelles en siégeant au sein d’assemblées populaires thématiques qui seront organisées le samedi 12 octobre dans le jardin à la française situé à l’entrée du Palais Royal de Bruxelles (6 Place des Palais, entre les grilles donnant sur la place et le palais lui-même). Cette action est la première d’une série d’actions de désobéissance civile non-violente de grande envergure qui seront menées à Bruxelles par Extinction Rebellion d’ici au printemps 2020, suivant l’exemple des actions menées en avril 2019 à Londres. »

[…]

« En invitant les citoyens à exercer leur pouvoir démocratique souverain dans le jardin du Palais Royal, cette action non-violente tourne le dos aux pouvoirs politiques élus qui ont failli à leur devoirs et elle s’adresse directement au Roi. Cette action est un appel pour un autre régime démocratique qui puisse répondre de manière responsable à la situation climatique et écologique qui est désormais la nôtre.« (2)

Dès 13h, le JT d’RTL l’annonçait : « La police ne va pas laisser l’accès aux militant.e.s » et décrivait le dispositif policier important (dont un drone qui s’était envolé pour identifier les militant.e.s). L’envoyé spécial ajoutait « La police va donc arrêter, tout simplement, toute personne qui se présentera ici et les placer dans les combis. »(3)

C’est effectivement ce qu’il s’est passé : les accès sur le lieu prévu étaient impossible. Les organisat.eur.rices avaient donc décidé d’obéir et ne pas forcer le barrage policier ou tenter de mettre la pression. Le rassemblement a donc eu lieu juste à côté, Place Royale. Des militant.e.s venu.e.s de toute la Belgique mais également d’autres pays se sont rassemblé.e.s sur la place pour se rencontrer, discuter, réfléchir à des alternatives, des revendications, analyser nos forces, …

Nous étions présent.e.s avec quelques militant.e.s des Jeunes anticapitalistes (JAC) et de la Gauche anticapitaliste. Nous avons participé à des assemblées qui souhaitaient discuter de revendications concrètes. Les discussions étaient très intéressantes et la radicalité des mesures proposées (interdiction de la publicité, l’arrêt de l’exploitation des énergies fossiles, nationalisation du secteur de l’énergie, remise en question des profits des plus riches, …) démontrait que nous ne pouvons plus attendre des mesurettes symboliques. Il faut commencer maintenant pour tenter de stopper cette catastrophe climatique.

L’occupation était calme, parfois un peu trop car peu de slogans étaient scandés par la foule entre ces assemblées. Quelques gilets jaunes étaient présent.e.s également avec leur banderole « La planète bleue a besoin de jaune pour redevenir verte ».

Répression et violences policières

C’est après 4h d’occupation que la police de la ville de Bruxelles (majorité Ecolo-PS-Défi-Groen-s.pa) a commencé à bloquer les accès à la place. Des policiers armés de casques et boucliers se tenaient face aux manifestant.e.s.

Rapidement, les manifestant.e.s (dont des familles avec enfants) se sont retrouvé.e.s nassé.e.s, plusieurs personnes ont subi des coups de matraques, d’autres ont été gazé.e.s. Sarah, porte-parole d’Extinction Rebellion rapporte qu’un « enfant de deux ans a reçu du gaz lacrymogène dans les yeux. »(4)

Des militant.e.s assi.se.s sur des chaises et qui ne présentaient aucun danger ont été copieusement arrosé.e.s par l’autopompe de la police bruxelloise sous le regard triomphant du commissaire Vandersmissen.

Au total, ce sont 435 personnes interpellé.e.s violemment alors qu’elles souhaitent s’organiser pour stopper la catastrophe climatique. Ces personnes n’avaient commis aucune violence et aucune dégradation. Il y a bien eu un petit groupe qui a réussi à s’infiltrer sur le lieu interdit mais la majorité des désobéissant.e.s était plutôt obéissant.e.s.

Alors, pourquoi ces arrestations ? Il semblerait que le fossé se creuse entre la population et les responsables politiques. Aux grands discours des partis traditionnels, les actes ne suivent pas parce que ces partis n’ont aucun intérêt à remettre en cause le mode de production capitaliste et les profits des plus riches. Les manifestations et les actions se multiplient depuis plus d’un an en Belgique. Ce ne sont plus uniquement les jeunes qui prennent la rue mais les travailleu.r.se.s avec ou sans-emploi, avec ou sans-papiers, les personnes retraitées, les collectifs féministes, les syndicats, … Des personnes qui n’ont jamais manifesté commencent à s’engager et se rendent compte que nous n’avons rien à attendre de celleux qui ne veulent rien changer. Seule notre force d’organisation et de mobilisation peut permettre d’imposer ce que nous souhaitons. C’est donc pour tenter de casser cette dynamique que cette répression a eu lieu.

Les militant.e.s climatiques qui avaient mis tous leurs espoirs sur Ecolo ont vite déchanté. Les accords de gouvernements bruxellois et wallons sont clairement insuffisants pour tenter de stopper la catastrophe. Selon le GIEC, pour avoir une chance sur deux de rester au-dessous de 1,5°C de réchauffement au cours de ce siècle, il convient de suivre une trajectoire en trois étapes : 1°) les « émissions mondiales nettes » de CO2 doivent diminuer de 58% entre 2020 et 2030; 2°) elles doivent ensuite continuer à décroître pour atteindre zéro avant 2050; 3°) de 2050 à 2100 les émissions doivent rester négatives. Nous n’avons donc plus de temps à perdre !

La police au service du pouvoir et des puissant.e.s

Au moment où ces lignes sont écrites, il n’y a quasiment pas de condamnation de cette répression par les partis traditionnels. Philippe Close (PS – Bourgmestre de Bruxelles) déclare qu’il n’y a pas eu de faute de la part de la police. Seul Ecolo (pourtant en coalition avec le PS) a publié ce statut écrit par Benoit Hellings (Ecolo – Premier Echevin, Echevin du Climat et des Sports de la Ville de Bruxelles) :

On pourrait croire en la sincérité des cadres du parti mais ces indignations ne sont jamais suivies par des actes. La vie reprend son cours normal et le parti ne s’oppose jamais réellement à ces abus.

Les arrestations de samedi ne sont pourtant pas un fait isolé. La répression policière est un véritable outil du pouvoir dans le but de casser les mouvements sociaux :

  • Le 31 mars 2019, lors de la manifestation pour le climat organisée par Rise For Climate, un groupe de gilets jaunes et de militant.e.s étaient durement réprimé.e.s et arrêté.e.s(5).
  • Le 18 mai 2019, des militant.e.s LGBTQI+ étaient durement réprimé.e.s par la police bruxelloise lors de la Belgian Pride alors qu’iels tentaient de défiler en dénonçant le pinkwashing et la présence de l’extrême droite. Ecolo a une nouvelle fois fait semblant de s’opposer à ces arrestations mais a vite continué son défilé comme si de rien n’était pendant que les militant.e.s subissaient violences et gazs(6).
  • Le 26 mai 2019, 350 gilets jaunes se faisaient matraquer et arrêter avant même d’avoir commencé à manifester(7).
  • Le 4 octobre 2019, des jeunes militant.e.s qui occupaient la « Maison blanche » à Louvain-La-Neuve (Bourgmestre Ecolo) étaient expulsé.e.s violemment par la police(8)

Impunité policière

Ces arrestations arbitraires violentes sont légitimées par le pouvoir qui organise l’impunité policière. La version officielle de la police est toujours considérée comme la vérité judiciaire et les images filmées par les militant.e.s sont rarement prises en compte pour prouver le contraire. Parfois, c’est même la police qui fait supprime les photos/vidéos des militant.e.s, y compris des journalistes(9)(10). La justice fait même disparaître les images de vidéosurveillance. Nous pensons notamment à Moad, tabassé par la police en 2013 : les caméras de la police sont subitement tombées en panne pendant 12 minutes.(11)

Dans le cas des arrestations de la Place Royale, le porte parole de la Police déclare que : « C’est beaucoup d’arrestations. Ceci dit il s’agit d’une occupation […] Il y a eu des tentatives de concertation avec l’organisateur avant l’événement. […] Puis vu le nombre de personnes qui se trouvaient là-bas et la taille de la place, on estimait qu’il était possible en toute sécurité de rétablir la circulation pour les transports en commun. Ce qui a été refusé et on a reçu le message que l’occupation allait durer 48 heures. C’est ce qui a initié la décision de mettre un terme à l’occupation. » Voilà comment la police justifie la répression violente.

Lorsqu’un policier tire et tue une petite fille migrante de deux ans, c’est le conducteur de la camionette qui est poursuivi et c’est la famille qui est accusée d’être responsable de la mort de leur fille. Les policiers ont même été jusqu’à falsifier des faits et inventer une version « officielle » afin d’innocenter le policier meurtrier(12).

Le 20 août 2019, Mehdi 17 ans est percuté et tué par une voiture de police. Directement, toute la presse belge relaie la version policière qui raconte que Mehdi fuyait un contrôle et qu’il s’agirait d’un simple incident. Le lendemain, un témoin de la scène contredisait cette version : « J’ai été choqué de lire ce matin que la police parlait de sirènes allumées, car c’est totalement faux. Seuls les gyrophares étaient enclenchés, ce qui change tout car la police a percuté ce jeune homme par l’arrière. J’ai d’ailleurs immédiatement eu l’intuition, sur les lieux de l’accident, que la police cherchait à minimiser sa responsabilité dans l’accident. Cela se sentait à la conversation que la police a eue via talkie-walkie avec des collègues. J’ai entendu les agents signaler avoir ‘percuté un civil qui traversait en courant’, comme pour se déresponsabiliser »(13)

S’organiser et résister

Partout dans le monde, la répression s’intensifie lorsque la révolte grandit. En France, on ne compte plus les nombreu.x.ses blessé.e.s lors des manifestations ni les meurtres de la police. Nous connaissons ces faits, ils sont médiatisés, partagés sur les réseaux sociaux, … Parfois nous avons des photos ou des vidéos pour les prouver. Les informations circulent, l’indignation est là mais ces violences continuent, s’intensifient et l’impunité policière reste.

C’est parce qu’il ne suffit pas d’informer ! Nous nous arrêtons à la première étape alors qu’une fois l’information connue, il faut nous mettre en action. Les victimes de violences policières sont isolées comme s’il s’agissait d’un cas unique alors que (nous l’avons démontré) ces abus sont systémiques.

La police (en tant qu’institution) n’est pas et ne sera jamais du côté des opprimé.e.s qui luttent pour leurs droits ou pour la planète. Elle sera toujours du côté de l’Etat et du pouvoir en place qui souhaitent maintenir leurs politiques actuelles.

Engels(14) disait : « l’État est une bande d’hommes armés ». Car c’est bien l’Etat qui légitime/légalise une forme de violence exercée par sa police ou son armée afin de faire respecter ses lois, son fonctionnement et ses codes. Les gestionnaires de l’Etat l’ont bien compris : tout est une question de rapport de force.

La peur doit changer de camp : C’est donc à nous de nous organiser collectivement, avec toutes les victimes de violences policières pour refuser ces abus et exiger un contrôle démocratique et citoyen de la police. La sécurité n’est pas l’affaire d’un petit groupe de dirigeant.e.s ! C’est à nous de décider où et comment elle doit être organisée. Nos ennemi.e.s ne sont pas du côté de celleux qui se battent pour la planète, pour la justice sociale, pour les droits des personnes LGBTQI+, contre le racisme, contre le patriarcat, contre le validisme.

À nous de diriger notre force d’organisation contre tous ceux qui nous oppriment et veulent maintenir ce système !

Oorspronkelijk verschenen op Gauche Anticapitaliste

Notes

1. https://www.facebook.com/events/1295276883983379/
2. https://www.extinctionrebellion.be/docs/Royal-Rebellion-Communique-de-Presse-201909.pdf?fbclid=IwAR01SqsqAebOoFgopmut4ZlELemtQVoNqNG6pU_zZJM0-nPV6qbs5kfNKTU
3. https://www.rtl.be/info/video/categorie/rtl-info-13h/4759.aspx
4. https://www.rtbf.be/info/regions/detail_occupation-place-royale-435-personnes-interpellees?id=10340254
5. https://www.sudinfo.be/id110603/article/2019-03-31/marche-pour-le-climat-bruxelles-des-gilets-jaunes-quittent-le-cortege-des-vitres
6. https://www.gaucheanticapitaliste.org/violences-policieres-deni-de-democratie-fichage-militant-belgian-shame/
7. https://www.lesoir.be/227059/article/2019-05-26/gilets-jaunes-bruxelles-350-arrestations-la-gare-du-nord-la-situation-est
8. https://www.rtbf.be/info/regions/detail_lln-expulsion-imminente-pour-les-squatteurs-de-la-petite-maison-du-lac?id=10332639
9. https://www.rtbf.be/info/regions/detail_la-police-menace-de-confisquer-le-materiel-d-un-photographe-de-belga-l-ajp-reagit?id=8118342
10. https://zintv.org/Arrestation-d-une-equipe-de-ZIN-TV
11. http://www.lcr-lagauche.org/justice-pour-moad/
12. https://parismatch.be/actualites/societe/227112/mort-de-mawda-version-policiere-collective
13. https://www.7sur7.be/belgique/jeune-fauche-par-la-police-a-bruxelles-un-temoin-contredit-la-version-de-la-police~ab899260/?fbclid=IwAR2s9AY3ZkZBCMf9Mb94vPwBoG_m8hQN3hrUwIpW7VuMfRxWzaJYqU7CBts
14. https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Engels
15. L’album complet des arrestations du 12 octobre ici : https://www.facebook.com/francoisdvorak/media_set?set=a.1111946649014722&type=3